Thématique | Affaires sociales et santé
Causes et effets de la financiarisation du système de santé
09 juillet 2025

Dans un contexte marqué par des évolutions profondes de l’offre de soins en France, des craintes se sont exprimées sur la « financiarisation du système de santé » et sur ses conséquences.
Par lettre en date du 17 juillet 2024, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, la ministre du travail, de la santé et des solidarités, le ministre délégué chargé des comptes publics, et le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention ont confié à l’Inspection générale des finances (IGF) et à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) une mission conjointe relative à la financiarisation du système de santé, sur un périmètre cantonné à l’offre de soins stricto sensu, excluant donc à la fois le secteur médico-social et les industries de la santé.
La période récente a été marquée par de profondes évolutions des caractéristiques et de l’organisation de l’offre de soins en France : tensions importantes sur les ressources humaines médicales et paramédicales qui devraient perdurer encore plusieurs années dans un contexte de vieillissement de la pyramide des âges de la plupart des professions de santé ; développement rapide du salariat médical ; aspirations d’une partie des jeunes générations aux formes d’exercice collectives ou en réseau, hyper spécialisation, innovations technologiques, etc.
Ces mutations, largement interdépendantes, ont généré dans le secteur privé et libéral un mouvement de regroupements et d’investissements, à l’origine d’importants besoins de financement auxquels ont répondu les acteurs traditionnels (les banques) mais aussi de nouveaux acteurs (fonds d’investissements et autres investisseurs privés, fonds de dette) attirés par les perspectives de croissance et de rentabilité du secteur, la solvabilisation publique de la dépense de santé, ainsi que les économies d’échelle et les gains d'efficacité potentiels. Entre 2020 et 2024, les fonds de capital‑investissement ont à eux seuls investi en fonds propres plus de 4 milliards d’euros. L’ampleur et la rapidité de ces transformations ont suscité des interrogations, voire des inquiétudes des autorités de régulation comme des professionnels de santé tant au regard du respect du principe déontologique d’indépendance que, plus généralement, de la préservation d’un haut niveau d'accessibilité et de qualité des soins.
Aussi la mission s’est-elle attachée, d’une part à décrire les modalités concrètes et les conséquences mesurables de ces phénomènes ; d’autre part à formuler des propositions visant à renforcer la capacité de la puissance publique à les réguler dans un sens conforme aux objectifs et priorités de la politique de santé, en prenant en compte l’hétérogénéité des situations.
Des interventions variées et un niveau d’endettement globalement préoccupant
Loin de répondre à un modèle uniforme, ces dynamiques structurelles de concentration et d’investissement, que les acteurs financiers sont venus accompagner, parfois susciter, le plus souvent accélérer, ont pris des formes très diverses, que ce soit pour le cadre juridique d’exercice (sociétés d’exercice libéral, centres de santé associatifs, sociétés de droit commun…) ou pour la structuration économique des groupes - témoignant de la capacité d’adaptation des investisseurs, professionnels comme non professionnels, aux contraintes réglementaires propres à chaque secteur. À cet égard, on peut constater que les secteurs qui ont mis en place les barrières juridiques les plus strictes à l'entrée d’investisseurs non exerçants, loin d’atteindre leur but de protection de l’indépendance des professionnels de santé ou de préservation de la qualité, n’ont fait que susciter des contournements, facteurs d'opacité et de dérives.
Qu’ils soient à l’initiative des fonds de capital‑investissement ou des professionnels eux-mêmes, ces mouvements de concentration et d’investissement ont en revanche en commun d’avoir entraîné un accroissement de l’endettement du secteur. Le niveau d’endettement atteint est aujourd’hui préoccupant, et pourrait, compte tenu des besoins d’investissement actuels et à venir, devenir critique en cas de tarissement des apports en fonds propres.
Des risques et des opportunités qui appellent une régulation renforcée
Pour répondre aux enjeux de la financiarisation, l’identification des effets qualitatifs de l’intervention des acteurs financiers sur l’offre de soins apparait comme l’enjeu prioritaire, mais cet impact demeure difficilement objectivable et pilotable en l’état des données disponibles. Même si certaines dérives ont été observées, ces données disponibles, ne permettent pas, en dehors de quelques exceptions notables, d’affirmer à date que les problèmes de qualité soient statistiquement plus importants dans les groupes financiarisés.
En analysant les données disponibles par secteur, l’Igas et l’IGF ont pu constater, d’une part, dans plusieurs d’entre eux, les effets positifs du mouvement de regroupement et d’apports de capitaux extérieurs sur l’efficience, le volume, l'accessibilité, ou la modernisation de l’offre de soins. D’autre part, les inspections ont mis en évidence des risques certes difficiles à quantifier mais dont certains indices laissent supposer qu’ils sont susceptibles de se concrétiser en cas de tensions sur les modèles économiques des acteurs.
Il importe donc d’éviter la concrétisation de ces risques mais aussi de parvenir à tirer pleinement avantage pour la collectivité de l’existence d’acteurs de grande taille. Pour favoriser l’indépendance des médecins, la qualité et l’accessibilité de l’offre de soins, et la maîtrise des coûts pour la collectivité, la mission propose d’activer cinq leviers :
- protéger l’indépendance des professionnels de santé par une clarification du cadre de gouvernance des sociétés d’exercice libéral, mais aussi plus largement par une modernisation du cadre déontologique ;
- mieux connaître les coûts réels des acteurs et améliorer la réactivité et la prévisibilité du système de tarification ;
- déployer un dispositif de suivi de la qualité en médecine de ville ;
- développer des approches contractuelles avec les groupes afin notamment de tirer parti de leur couverture multisites et de leurs capacités d’investissement ;
- prendre en compte l’existence d’acteurs portant un risque systémique local ou national, et mettre en place les dispositifs de prévention adéquats.
Soigner n’est pas une activité comme une autre : l’investissement privé ne doit pouvoir s’y déployer qu’en contribuant à l’amélioration durable de la qualité et de l’accessibilité des soins, dans le respect de l’indépendance d’exercice des professionnels. C’est pour le régulateur un défi nouveau, qui suppose une évolution du système réglementaire et tarifaire, notamment vers plus de transparence, de réactivité et de prévisibilité.
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Régimes dérogatoires aux 35 heures dans la fonction publique d'État
15 février 2019
Dans le cadre de la préparation du projet de loi de transformation de la fonction publique, le Gouvernement a confié à l’IGF une mission d’identification des régimes dérogatoires à la durée annuelle de travail de 1 607 heures prévus par les textes dans l’État (administrations et opérateurs), les seuls enseignants étant hors du champ de la mission.
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Évaluation de la convention tripartite 2015-2018 entre l'État, l'Unédic et Pôle emploi
23 novembre 2018
À la suite d’une première évaluation à mi-parcours de la convention tripartite 2015-2018 entre l’État, l’Unédic et Pôle emploi menée par l’IGAS et l’IGF (http://www.igas.gouv.fr/spip.php?article595) ce rapport procède à l’évaluation des engagements pris sur l’ensemble de la période.
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La transformation du modèle économique des grands ports maritimes
16 novembre 2018
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Évolution de l'impact environnemental et économique de la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur les émissions de polluants atmosphériques
19 octobre 2018
Le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PRÉPA), arrêté par le ministre chargé de l'environnement le 10 mai 2017, a prévu le « lancement d’une mission d’inspection pour évaluer l’impact environnemental et économique de la taxe générale sur les activités polluantes actuelle puis proposer, si cela est justifié, la révision de ses taux et de son assiette afin de mieux prendre en compte les externalités liées aux émissions de polluants atmosphériques et de rendre la taxe plus incitative ».
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Pour une économie corse du XXIe siècle : propositions et orientations
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La rénovation de l’immobilier de loisirs
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Développées à grande échelle dans les années 1960/1970 (Plan neige, Mission Racine), les stations balnéaires et de montagne en France font face à des défis qui bousculent leur mode de gestion traditionnel : érosion du littoral, faible enneigement, arrivée de nouveaux profils de visiteurs, concurrence européenne et internationale forte, etc. -
Audit sur l’eau potable en Guadeloupe
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